Comment ne pas aimer une femme noire

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Point de vue hétérosexuel.

Lorsqu’on est un homme blanc ou apparenté.

En bref : that’s racist! La version plus longue te démontre que ce que tu considères comme de l’ouverture d’esprit est en fait la perpétuation d’un regard raciste donc prédateur sur le corps des femmes noires.

Le syndrome du passport bro

Être un néo-colon – Que tu sois un touriste issu d’un pays au PIB facilement plus élevé que celui de la majorité des pays d’Afrique ou un petit bourgeois qui veut se différencier de sa famille et de ses amis, approcher une femme noire avec l’idée de conquérir son corps grâce à ce que l’on suppose être sa supériorité culturelle et intellectuelle, qui n’est autre qu’un pouvoir d’achat momentanément et exceptionnellement haut, fait de toi un connard raciste qui compense ses échecs et frustration en imaginant, plus ou moins consciemment, s’acheter une esclave (sexuelle) qu’il dressera. De même, si, en bon sauveur blanc, tu penses que tu vas sortir ta meuf noire du ghetto (parce que tu penses que les personnes noires ont choisi de vivre dans des quartiers périphériques abandonnés par les pouvoirs publics) et lui faire découvrir un espace des possibles, lui inculquer les codes de la culture « normée », c’est-à-dire de la culture blanche, si tu penses que sa famille sympa-mais-qui-fait-quand-même-beaucoup-de-bruits gâche son potentiel, tu vois la femme noire comme une « bonne sauvage » que tu pourras façonner, et c’est raciste. En résumé, la vie n’est pas une comédie mélodramatique française donc va régler ton complexe de supériorité ailleurs.

Le syndrome Matt Pokora / Vincent Cassel (s’il ne reste plus qu’une hater de ces personnes, vous savez déjà qui ce sera)

Être négrophile – Ta passion pour les Afro-américains et le hip-hop t’a fait dérailler le cerveau : tu vois le monde comme un cliché où les personnes noires sont le reflet du flex qu’il te manque et que tu imites jusqu’à devenir une parodie. Mais tu crois tellement à ta propre comédie humiliante que tu penses que cela t’autorise à scander le N-word dans les concerts de Kendrick Lamar, puisque tu aimes les Noirs et tu ne vois pas les couleurs. Victime de la Jungle Fever, tu rêves de trouver ta Joséphine Baker contemporaine, moins engagée mais très déhanché en jupe de bananes, reproduisant une vibe Revue nègre qui, derrière l’apologie du talent des artistes noirs, déroule tout un imaginaire colonial mêlant idéalisation du primitivisme et intellectualisation donc hiérarchisation des cultures noires. En résumé, la vie n’est pas une campagne signée Jean-Paul Goude et avoir des enfants métisses ne fera pas de toi un membre de la Noirie, donc arrête de vivre par procuration.

Être fétichiste des corps noirs – Ce comportement fortement lié au précédent pousse encore plus loin la réification des femmes noires puisqu’à tes yeux elles n’ont plus d’identité propre et deviennent une allégorie de la nature vierge, inexplorée, sauvage. Ces fantasmes européens qui ont conduit à multiplier et diffuser les représentations non éclairées et non autorisées de leurs corps nues, ou à les obliger à cacher ces corps jugés trop tentateurs, atteignent leur paroxysme dans ton désir obsessionnel. Les femmes noires ne sont plus à tes yeux que des obscurs objets de désir à assouvir, par tous le moyens. Ton outil principal de séduction est l’argent mais tu es radin parce que tu estimes que ces femmes sont trop vénales. Selon toi, leur nature et leur statut devraient leur apprendre à être plus raisonnables et plus humbles. Résultat, t’es seul, unfuckable, et c’est tout ce que tu mérites.

TW racisme. Cette scène de la saison 2 de Chewing-Gum résume mon propos et peut mettre mal à l’aise (le discomfort était un peu le fil rouge de cette série).

Lorsqu’on est un homme noir.

En bref : ressaisis-toi frère ! La version plus longue t’explique que ce que tu penses être des choix individuels sont en réalité marqués du sceau d’un conditionnement raciste en milieu blantriarcal.

Le syndrome Feuneu

Faire preuve de racisme intériorisé – Tu as fait tienne la soi-disante supériorité blanche évoquée plus haut : ta pire phobie est d’être vue comme un personne noire et le compliment le plus agréable que tu puisses entendre (même s’il te renvoie, en partie, à une réalité que tu veux nier) est « oui mais toi t’es pas un Noir comme les autres ». Tu as tellement accepté cela que tu vois les femmes noires de la même manière que les hommes blancs et, de surcroît, conquérir une femme blanche te parait le pinacle de la réussite et de l’ « intégration ». Tu ne te vois qu’à travers le regard de l’autre et te mesure sur une échelle construite par des personnes qui te méprisent et à qui tu fais pitié (cf. la double consciousness chez W.E.B. Du Bois) et cette conscience de ton sentiment d’infériorité se transforme en violence plus ou moins sourde à l’égard des femmes noires. Sors de la matrice et reste bien éloigné de celle d’une femme noire !

Etre classiste – L’interconnexion des postures et idéologies oppressives se fait encore évidence ici. Race et classe sont fortement liées par l’importance de la hiérarchisation des valeurs donc des personnes, par le fait que le capitalisme se construit sur le dos de personnes qu’il oppresse et plus particulièrement et violemment sur le dos des personnes noires : au sommet de la pyramide des classes se trouvent des hommes blancs puissants et tu rêves de leur ressembler parce qu’on t’a inculqué que ce qui fait la puissance c’est la possibilité d’exploiter les autres. Ainsi, tu regardes ces autres comme de la vermine au mieux docile, au pire répugnante : tu juges leurs sociolectes, leurs difficultés et leurs traumatismes à l’aune de cette puissance fantasmée. Tu es incapable de voir leur force à survivre en milieu hostile ; tu as peur de leurs victoires quotidiennes et ton vernis méprisant cache mal ta quête désespérée de la reconnaissance blanche. Conséquence de ta bataille à conquérir le monde blanc : tu te retrouveras entouré de personnes qui au moindre éclat te renverront à ton statut racial, « dans ton cocotier » où tu seras bien seul…

Le syndrome de l’Hotep

En faire un manifeste politique – Les femmes noires ne sont pas des faire-valoir pour prouver ton évolution intellectuelle ou ton apparente déconstruction. Si tu cherches une femme noire pour construire une image acceptable voire valorisante de toi-même, soigne d’abord tes blessures narcissiques. L’amour c’est la rencontre et la confrontation mature de deux individualités, à partir du moment où l’Autre devient une abstraction symbolique, cela est voué à l’échec. Tu revendiques que la femme noire est une « black queen » mais tu insistes pour régner en autocrate. Dans ce spectacle où tu dois tenir le premier rôle et où tu n’auras de cesse de rappeler à cette femme qu’elle n’est qu’un accessoire pour te faire briller parmi tes amis ou dans tes projets de « Black Excellence », tu es le clown de service. Tu nies l’humanité de la femme noire en face de toi, avec ses qualités et ses failles, pour l’ériger en Michelle Obama de pacotille qui devra servir tes ambitions médiocres de mec qui porte des costumes trop serrés. Apprécie la vie que tu as et ne rêve pas d’une femme qui va finir par ne plus te supporter.

It don’t matter if you’re black or white.

Être coloriste – Je n’ai même pas envie de développer tant to lembi bino. Si ça te fait plaisir de vivre comme aux temps des esclavages et des ségrégations en choisissant la personne que tu désires selon sa proximité avec la blanchité, avec l’espoir d’effacer, au fil du temps, les traces de ta négritude mais que tu te persuades que c’est juste un choix esthétique, demande-toi pourquoi ce qui te parait beau est ce qui ressemble aux caractéristiques physiques de l’idéal européen. C’est quand même un sacré hasard que ton cortex et ton hypothalamus s’agitent à la vue d’une peau « plus claire », de traits « plus fins » et de cheveux « moins crépus », tous les traits que la culture occidentale a imposé ou tente d’imposer au fil des siècles et de l’impérialisme culturel, au prix de violences (sexuelles). Si tu bandes sur les différentes catégories inventées par les esclavagistes pour annihiler encore plus l’humanité des personnes noires en comparant leur existence à la reproduction animale, sache que tu ne fais bander personne.

Être misogynoire – On souffle fort. À ton grand âge (parce que je pense que les personnes qui lisent des article de blog ont le même grand âge que moi), il s’agirait de sortir de l’adolescence, de l’homophobie et de la transphobie. Encore une fois, on est fatiguée d’être le réceptacle des insécurités des uns et des autres. Tu ne sais pas exprimer ton opinion et on t’a appris à être sans saveur dans ton expression donc tu manipules les personnes et les situations puis étiquettes les réponses données comme de la colère en devenant la police du ton ? Tu crois que ta copine noire sera ta perpétuelle nourrice souriante et réconfortante parce qu’on t’a trop habitué à l’infantilisation des hommes et à l’image de la mammy ? Tu justifies ta prédation sexuelle en prétendant que les femmes noires sont hypersexuelles ? Tu ne peux pas tolérer qu’elle t’envoie bouler alors tu sors les poncifs sur le physique des femmes noires trop proches de celui des hommes, étape précédant la comparaison aux singes ? En gros, tu fais tous les efforts possibles pour déshumaniser la femme noire pour mieux entrer dans l’exceptionnalisme qui, O Fortuna, portera au maximum la teinte NC 45 de chez MAC…

Mais caron, tu es toujours négative. Comment faut-il alors aimer une femme noire ?

Comment aimerais-tu qu’on t’aime ? Doit-on en l’an de grâce 2025 encore t’expliquer comment traiter ta camarade du genre humain quand tu prétends, en plus, l’aimer ? Ramasse la barre que la société a mise au sol et sers-t’en pour te (é)lever.

Si tu n’es pas d’accord avec tout ce qui est écrit ci-dessus, si tu penses encore que chacun est libre de ses choix et que préférer tel « type » de femmes plutôt qu’un autre c’est juste naturel, reste bien loin des femmes noires, dans tous les domaines de ta vie. Ignore-les comme elles t’ignoreront. En attendant, vive les Karaba !

Photogramme du film Kirikou et la sorcière : gros plan sur le visage de Karaba la sorcière, criant, les yeux écarquillés (image correspondant certainement à la scène où Kirikou lui retire l’épine du dos).

Pour continuer et approfondir la réflexion, voici 5 suggestions de ressources à lire ou à écouter :


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