Il fait froid et il fait gris. La période la plus désagréable de l’hiver s’installe et la méchanceté du monde se fait encore plus cruelle. L’une des seules perspectives positives dans cette atmosphère entre chien et loup, pour celles et ceux qui ont ce privilège, est de se laisser aller à la langueur anesthésiante de l’hiver, de profiter du plaisir de se blottir dans la chaleur des couvertures, de celui de réchauffer ses mains engourdies et de picorer des pop corn sucrés-salés (les gens de goût savent). En résumé, c’est le moment parfait pour se perdre dans des univers lointains mais tellement familiers, le moment de découvrir ces cinq histoires qui racontent l’humain sans le juger. Have a seat, let’s Netflix (France) and chill together!
1. La plus connue : Aggretsuko
Cette série animée raconte la vie quotidienne de Retsuko, une panda rousse, jeune employée de bureau japonaise, d’apparence docile et timide qui trouve un exutoire à ses petits malheurs quotidiens dans l’un des emblématiques karaoke boxes nippons. Le nom de la série, un mot-valise construit à partir de l’adjectif « aggresive » et du prénom du personnage « Retsuko », illustre les chansons interprétées par l’héroïne : du death metal dans lequel elle crache sa haine de son travail, son mépris pour son patron et ses regrets personnels. On pourrait résumer ainsi la série : quand le kawaii (le personnage a été créé par Sanrio, la maison mère d’Hello Kitty, spécialisée dans la création de petits personnages mignons, mais surtout dans leur exploitation commerciale) rencontre les réalités sociales.
En effet, la série montre les difficultés à s’épanouir dans un travail abrutissant car insignifiant et ingrat. Elle met ainsi en scène les questionnements autour de la réalisation personnelle et propose un tableau des rapports amoureux ou amicaux, à l’âge adulte. Comme pour d’autres genres à caractère moral ou didactique et (d’apparence) destinés aux enfants, le choix d’un univers où les animaux sont personnifiés permet une peinture ingénieuse des mœurs humaines… La version proposée par Netflix compte quatre saisons, dont la dernière qui est disponible depuis décembre. Celle-ci (et en partie la précédente) m’a laissée plus dubitative car l’intrigue est plus dramatique, c’est-à-dire plus axée sur des péripéties et sur le suspense alors que ce que je préfère c’est la réflexion psychologique et social que les deux premières saisons développaient. 🎤
2. La plus réaliste : Les Petites choses
C’est l’histoire d’un couple… en quatre temps. Cette série a été créée par Druhv Sehgal qui tient le rôle principal masculin (Druhv) à côté de Mithila Palkar qui joue le rôle principal féminin (Kavya, sa compagne). C’est certainement grâce à elle que les algorithmes de Netflix m’ont suggéré Les Petites choses. En effet, j’ai un faible pour les films musicaux dits de « Bollywood » (surtout les drames romantiques et les fresques épiques) et en cherchant ce que le service de streaming avait à proposer, j’ai découvert Chopsticks qui n’est pas un film musical mais dont le rôle titre est tenu, avec beaucoup de justesse, par Mithila Palkar. D’ailleurs, je vous conseille de jeter un œil à cette comédie légère, surtout si vous aimez les grands bruns ténébreux. C’est donc ainsi que sont apparues Les Petites choses dans mes suggestions et mercey les algorithmes !
Les Petites choses est donc une série qui nous fait découvrir les hauts et les bas de la vie de couple à travers le quotidien de deux pas encore trentenaires vivant en concubinage à Mumbai. Les deux jeunes gens sont tiraillés entre le tournant que prend leur carrière respective, le FOMO propre à la vie sociale dans l’une des mégalopoles les plus peuplées et dynamiques du monde, et cette vie à deux qui n’est pas si simple parce que, souvent, les petites choses peuvent avoir de grandes conséquences… Les sentiments sont souvent à fleur de peau, les mots sont parfois vifs et les personnages toujours au plus proche du réel : on veut écouter Kavya, un verre de chablis à la main et on reconnaît les signes distinctifs de la lâcheté des basuras chez Druhv. C’est parfois lent comme un dimanche de flemme, parfois tendu comme une soirée entre amis après une dispute de couple et souvent beau comme le cinéma et les paysages inconnus. 🤎
3. La plus teenage drama : Reply 1988
Si vous avez su conserver un peu de votre âme adolescente et que vous avez conscience de celle-ci : vous avez beaucoup de chance parce que vous appartenez à l’élite des gens qui s’assument. Nul besoin de justifier vos guilty pleasures… parce que vous n’en avez pas ! En effet tous vos plaisirs sont valides et enrichissants ! Dans ma liste des petits plaisirs, on retrouve les kdramas dont le but principal est de me donner envie de manger des fruits de mers et de me décevoir car la trame est trop souvent la même : rencontre accidentelle et maladroite, relation tendue, aveu amoureux, séparation, en fait c’était son premier amour d’enfance, péripétie angoissante, retrouvailles et tout le monde est content même les rivaux et rivales. Fatigue. Puis je suis tombée sur Reply 1988.
L’histoire débute en 1988 (d’où le titre), au moment de la préparation des Jeux Olympiques de Séoul. Ainsi, le moment critique de l’adolescence est mis en parallèle avec celui de la transformation de la capitale sud-coréenne et plus largement celui de l’ouverture du pays au monde (occidental) qui lui-même entre dans une nouvelle décennie. Le thème du passage est donc omniprésent. Le réalisme historique de la série va des costumes à la musique, en passant par des choix photographiques permettant d’échapper un peu au diktat des visages très lisses et très blancs de la plupart des kdramas. L’une des conséquences de ces choix est la possibilité d’observer toute l’expressivité des visages ! Les premiers émois et les premières jalousies, le quartier et la famille, l’amitié « à la vie, à la mort », la révélation de l’issue du pentagone amoureux (oui ça ce passe comme ça dans les comédies sentimentales coréennes) et une introduction à l’histoire du soft power sud-coréen : autant de raisons de regarder Reply 2022. 📼
4. La plus poétique : Souvenirs goutte à goutte
Lorsque Netflix a annoncé la disponibilité des films du studio Ghibli, ma curiosité a été mise en alerte. Si je connaissais quelques-uns des plus grands succès internationaux du célèbre studio d’animation japonaise, cela se limitait aux réalisations de Hayao Miyazaki. C’était donc l’occasion rêvée d’enrichir ma culture cinématographique. En touriste éclairée, j’ai commencé par les titres les plus vus de tout le monde sauf moi, à savoir Kiki la petite sorcière, Le Château ambulant, Mon voisin Totoro et Porco Rosso. Et pusique la plupart du temps, je suis une enfant j’ai complètement craqué devant la mignoncité de Kiki… et de Mon voisin… Et parce que je voulais encore plus de mignoncité dans ma vie, j’ai été attirée par Souvenirs goutte à goutte (et par son titre parfait !).
J’ai été plus attirée par les aperçus de paysages apaisants que par les quelques lignes de résumé proposées par Netflix. Mais très vite, je me suis dit « who are you kidding biche? Toi aussi, t’es une vieille meuf de la ville qui rêve d’une vie paisible en te faisant des films sur la nostalgie de la terres des ancêtres ! D’ailleurs si vous n’étiez pas une multitude à développer des fantasmes de ruralité exacerbés par l’enfer hégémonique du capitalisme, ce genre de films n’existerait pas ! » Bon, c’est vrai que je n’ai pas dit tout ça, j’ai juste pensé « Hahahaha meuf, en vrai toi aussi t’aimerais jouer à Barbie cultive le ngaï ngaï mais t’assumes ap ! » La vie pastorale des gens qui aiment le travail éreintant (on n’est pas ensemble), la lutte éternelle entre valeurs traditionnelles radicales et énergie moderne aliénante, un love interest un peu benêt mais pas tant que ça… Bref un film de noël sans la neige et sans noël. Les paysages sont beaux, le temps est lent, le récit simple et bucolique : voilà ce dont on a besoin quand la vie est trop dure avec nous, quand le soleil a oublié d’exister et que les trottoirs pluvieux reflètent l’atmosphère grave de la big city life. 👩🏽🌾
5. La plus « hein ?! » : My husband won’t fit
Jurisprudence Dernier Train pour Busan… que j’ai pris pour un film d’amour en entendant le titre (pour ma défense, ceci était dû à une confusion / réécriture avec une autre histoire de train : Chennai Express, nul). Oui, j’ai trop longtemps pensé qu’un film de zombies racontait l’histoire d’amour entre deux personnes éloignées et qui devaient se donner une dernière chance. Mon imagination est fertile mais pas autant que celle de Yeon Sang-ho. Bref. Je venais de voir un (ou plusieurs) kdrama avant de tomber sur cette suggestion, me fiant à l’image d’illustration alors proposée par Netflix (celle choisie actuellement est un peu plus explicite), je pensai que c’était une comédie familiale sur un époux qui a des difficultés à s’intégrer dans sa belle-famille.
Mais que nenni. Le début du premier épisode plante le décor : la série ne sera pas une comédie… C’est ballot, on voulait juste rigoler un peu. Si cette série est dans ce top 5, c’est à cause de son incongruité : je tiens à rendre hommage à l’esprit génial qui a pensé que ça valait la peine de raconter cette histoire et à bénir les personnes qui, chez Netflix, ont décidé d’en acquérir les droits. Pour résumer rapidement (et garder une once de surprise) : Kumiko, toute jeune étudiante solitaire et anxieuse s’installe dans un studio afin d’échapper à la tutelle autoritaire de sa mère. Elle y rencontre un étudiant TRÈS à l’aise avec les étrangères. C’est le moment où on se demande si ça va être un thriller. Mais ouf, de fil en aiguille, le squatteur devient un ami puis un amant et c’est là que ça coince (huhuhu). Au-delà de ce qui fait l’originalité du scénario, la série interroge sur ce qui construit un couple, ce que signifie aimer et ce que sous-tend le mariage socialement, intimement et individuellement. Il y a une lenteur et parfois une violence sourde qui rendent le parcours de cette jeune femme très émouvant et l’angle choisi pour raconter les relations amoureuses et matrimoniales est assez déstabilisant pour nous bouleverser. (L’angle en question be like 🍆)
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