La période intense des fêtes de fin d’année se termine et la décompression est plus que nécessaire. Autant, ces moments me sont agréables, notamment parce qu’ils permettent de sortir de mon ordinaire gastronomique ; autant à l’issue de ceux-ci, surtout cette année, il m’est nécessaire de trouver le repos physique et psychologique. Même si les allers-retours et les soirées en famille me rendent heureuse, je suis toujours épuisée par la tension provoquée par une logistique que je ne contrôle pas. En effet, c’est surtout la dépendance à l’organisation ou l’absence d’organisation des autres qui m’éreinte.
« Les nerfs sont tendus »
En préparant le réveillon du Nouvel An, j’ai craqué dès le réveil. Cela s’est manifesté par un désir profond d’être seule et de dormir sans que rien ni personne ne vienne troubler ce sommeil. Mes crises de nerfs ne sont pas très spectaculaires. Après un passage à la boucherie, la volonté de m’éloigner du monde est devenue encore plus forte : le boucher a fait n’importe quoi en pensant me rendre service, ce qui m’a renvoyé à la gentrification rampante de mon quartier et à toutes ces personnes qui racontent toutes les manières sophistiquées qu’elles ont de cuisiner leur viande et de la consommer, pendant qu’on attend d’être servie… Bien entendu, ces personnes sont des hommes qui ont besoin de partager avec le monde entier leur manière de réinventer le repas du dimanche à base de formules chimiques complexes et d’outils plus ingénieux les uns que les autres. Cet agacement inutile m’a fait comprendre qu’il était temps de prendre mes distances sociales et psychologiques avec le monde, voire même de cesser de penser à mes interactions et à ma relation au monde.
D’autant plus qu’en faisant le rapide bilan de mes résolutions de l’année 2021, dont celle de tenir un journal intime, j’ai constaté que l’introspection ne m’aidait pas du tout. Au contraire : je me pose encore plus de questions, j’angoisse à l’idée de ne jamais avoir de réponse donc de ne jamais avoir le courage de m’engager effectivement dans mes résolutions et de concrétiser mes vœux. Le regard autoréflexif ne me conduit qu’à une perpétuelle remise en question négative, car la maladie de la sévérité avec soi-même est forte dans cette maison. Je constate ainsi que je suis beaucoup plus positive, réaliste et pragmatique sur ce blog que dans mon journal intime… Étrange. C’est peut-être parce que ce discours est public alors que celui du journal est destiné à ma conscience seule donc il est plus profond et plus sévère ?
« C’est une page qui se tourne »
Quoiqu’il en soit, pour commencer l’année 2022 dans la paix des méninges, je prends quelques dispositions durant le mois de janvier, en espérant qu’elles permettent de paver la voie de la concrétisation de toutes les idées dont l’immatérialité me frustre. Cela signifie qu’il me faudra éviter de disperser mon énergie dans des situations ou des sujets qui conduisent à des réactions polémiques ou autres réactions tout autant consommatrices d’attention. Pour lutter contre mon naturel pessimiste et inquiet, je m’interdis également les épanchements élégiaques, que ce soit dans un journal intime ou sur un blog public. Ceux-ci ne conduisent, pour l’instant, qu’à une forme de prophétie autoréalisatrice et inhibitrice. Enfin, on évitera la fausse distance réflexive qui n’est qu’une intellectualisation des ruminations mentales qui rythment mon quotidien.
Le mois de janvier est parfait pour cela car une nouvelle année offre, de manière illusoire certainement, une idée de page blanche donc de nouveau départ. La perspective du mois de janvier me rend optimiste car j’ai la sensation de commencer un nouveau cycle : les mauvais esprits de l’année écoulée ont été chassés par le bruit des festivités et des pétards pour laisser place à des auspices plus heureux (v. les traditions de Nouvel An dans le Rhin supérieur et en Chine, ou encore le qashogh-zany en Iran). D’ailleurs le mois de janvier n’est-il pas celui de Janus, le dieu romain des commencements et des fins mais aussi celui des passages et des choix ? Ovide, dans les Fastes (I, 63-170), nous rappelle l’importance de ce dieu et de ce mois qui ouvre et annonce le rythme de l’année solaire romain / occidental.
¡Adelante!
Pour, en quelque sorte, respecter, la volonté du dieu bifrons, j’organise le mois de janvier de telle sorte qu’il préfigure le reste de l’année. Mon attention, en ce début d’année, doit se focaliser sur l’accomplissement de ce qui me tient à cœur en me permettant de me consacrer à toutes les petites tâches qui structurent ces grandes idées.
Après quoi, je m’étonnais du fait que ce premier jour ne fût pas exempté de procès. Janus dit : « Apprends-en la cause ! J’ai confié à l’année naissante l’activité judiciaire, par crainte de voir l’année tout entière dépourvue d’activité, à cause d’un tel auspice. »
Ovide, Fastes, I, 165-170
Pourquoi un mois seulement ? Parce qu’il faut rêver à sa mesure et s’assurer du rythme de ses pas. Connaissant mes points faibles et mes fragilités, il est nécessaire de borner ce parcours par de petites étapes qui me permettront d’évaluer l’énergie que je peux consacrer à ces tâches, la volonté que j’ai de les concrétiser et la nécessité voire l’urgence de leur réalisation pour mon bien-être. En résumé, je préfère faire mon nid petit à petit.
En conclusion : moins de réflexion pour ouater la peur et plus d’action pour tenter de la combattre. Les cheveux blancs commencent à pousser et les rides à s’installer, c’est le moment d’avancer de manière intentionnelle.
Et vous, croyez-vous au renouveau du Nouvel An ? Avez-vous des techniques pour vous concentrer sur ce que vous souhaitez réaliser ? Ressentez-vous aussi ce souffle régénérant en début d’année malgré la petite voix qui vous rappelle que vos décennies passées ici-bas auraient dû vous apprendre à être plus terre à terre ?
Mes 5 techniques pour me recentrer
1 mois sans réseaux sociaux personnels (car plus accessoires).
1 mois à dire « non » aux personnes, aux situations et aux discours qui me submergent et me vampirisent.
1 mois à lire de la poésie : on commencera avec Notre voix de Noémie De Sousa et Où j’apprends à ma mère à donner naissance de Warsan Shire. Les deux dans la collection « corp/us » des Éditions Isabelle Sauvage.
1 mois à croire que je peux réaliser ce que je veux en m’organisant à l’aide d’un Bullet Journal, de jolis collages et dessins sur le thème des astres.
1 année à écouter de la musique, dont ma dernière playlist de 2021: