« Who wants that perfect love story anyway? »

Article modifié le 11 avril 2019

Si Emma Bovary ne vous a pas appris qu’aspirer à une vie romancée c’est se construire un destin tragique, si la limonade douce-amère de Beyoncé ne vous a pas permis de comprendre la complexité de la vie de couple, si vous n’avez pas retenu la leçon de Sade ni celle de Jane Austen à propos de l’amour et de l’orgueil…

Plus d’une semaine après la St Valentin, que reste-t-il de nos amours ? D’ailleurs, pourquoi avons-nous ce besoin impérieux de glorifier la relation amoureuse ou au contraire de jeter l’opprobre sur toute forme d’expression du sentimentalisme amoureux ? Je vous propose, ici, une petite règle de cinq pour remettre en perspective notre rapport à la relation amoureuse (cinq, car les mathématiques de l’amour sont à un niveau supérieur de complexité).

Règle 1 : se méfier de l’idéalisation romantique

Bonjour Tristan et Iseut ! hello Romeo and Juliet! Hallo Werther! et un salut à toutes les autres créatures littéraires incarnant l’amour impossible, l’amour surnaturel et qui sont d’après Denis de Rougemont, auteur de  L’Amour et l’Occident, des manifestations d’une vision de l’amour née en Europe au XIIᵉ siècle. Comme l’explique le philosophe suisse, en 1956, dans un entretien radiophonique, l’Europe médiévale vit alors un renversement de valeurs : « pour les Anciens, un amour qui dépasse le désir physique est une fièvre, avec Le Roman de Tristan, cela devient une belle fièvre. L’adultère qui était un crime devient une aventure intéressante ». La passion est romancée, valorisée afin de combattre l’épuisement du désir consécutif à la consommation de l’amour. Les personnages (et le lectorat) cherchent le désir inépuisable, l’amour inaltérable mais surtout réciproque.

Verhalten, bah ouais ! Il s’agirait de vous calmer, jeune Werther…
source : gallica.bnf.fr

La quête de cette réciprocité se concrétise dans le genre de l’amor de lonh (amour de loin) créé par le troubadour Jaufré Rudel. Le poète chante son amour pour la comtesse de Tripoli (au Liban) et le long périple qu’il entreprend vers la « Terre Sainte » afin de retrouver l’objet de son affection, dans les bras de laquelle il mourra. «Celui qui m’appelle curieux et amoureux d’amour lointain dit la vérité ; car nulle autre joie ne me plairait autant qu’une joie qui viendrait de cet amour de loin. Mais mes désirs sont irréalisables ; car ma destinée est d’aimer sans être aimé. » écrit-il (traduction de Joseph Anglade in Les troubadours, leurs vies, leurs œuvres, 1907). L’insatisfaction qu’entretient cet amour de loin conduit à une exaltation aux accents mystiques. C’est cette même exaltation qu’on retrouvera dans les écrits des Romantiques du XIXᵉ siècle.

Cette conception de l’amour s’inscrit dans un cadre culturel qui est celui de l’amour courtois. Elle prône une idéalisation de l’amour en dehors du mariage et Denis de Rougemont explique ce phénomène en exposant les transformations morales et religieuses de l’époque. Il propose plusieurs exemples illustrant ce mouvement : la redécouverte du « Cantique des cantiques », le livre de la Bible le plus érotique (au sens premier, c’est à dire ayant pour thème l’amour mais aussi au sens plus usuel par son caractère sensuel), qui donne une large place aux femmes mais aussi le livre le plus poétique (cf. son nom qui signifie «le chant des chants») ; la correspondance d’Abelard et Héloïse qui révèle la force de l’amour interdit ; la naissance d’un culte de la Vierge à Lyon et le développement des hérésies cathares. Pour le philosophe, tous ces éléments participent d’une révolution psychique qui remet la figure féminine au centre des réflexions sur l’amour et sur l’humain, à l’image des religions primitives. C’est pourquoi, il reprend l’expression de Michelet pour résumer ces bouleversements : « Au XIIᵉ siècle, la femme devient une religion ».

Ainsi, notre perception de la passion amoureuse est une construction culturelle héritée du Moyen Âge et transmise par la littérature puis, plus tard, par le cinéma. D’après de Rougemont, ce mythe de l’amour-passion se serait dégradé au cours des siècles pour ne garder qu’une sorte de sentimentalisme bourgeois et matérialiste diffusé, particulièrement, par les romances américaines. Le film sentimental est l’un des exemples de cet abâtardissement du mythe de l’amour-passion car il exige un « happy end » symbolisé par le baiser final et « exprime à la perfection la synthèse idéale de deux désirs contradictoires : désir que rien ne s’arrange et désir que tout s’arrange –désir romantique et désir bourgeois ». Si l’on s’accorde avec les réflexions du philosophe, le romantisme, tel que nous le concevons aujourd’hui, est une sorte de sentimentalisme décadent ou plutôt dégradé.

Non, je ne suis pas obsédée par ce film, seulement par la moustache de Clark Gable.
Source : https://www.francetvinfo.fr/replay-radio/un-jour-une-question/de-quel-poeme-celebre-vient-le-titre-autant-en-emporte-le-vent_1791357.html

Aux origines du terme « romantisme » se trouvent l’idéalisation et l’imaginaire. D’ailleurs au XVIIᵉ siècle, l’adjectif « romantique » est d’abord un équivalent de « romanesque », c’est-à-dire digne d’un roman, empli d’imagination et de pittoresque comme « les paysages ou les scènes particulières qui produisent un effet vif » sur la sensibilité. Puis, son sens se précise pour qualifier un « tempérament sentimental, passionné, mélancolique » (source : TLFi). Être romantique signifie donc avoir une propension à la démonstration exaltée de sa sensibilité. Dans Fragments d’un discours amoureux, Barthes analyse avec précision cet aspect stéréotypé de la personne amoureuse : le paragraphe explicatif introduisant chaque entrée, teinté d’ironie, révèle l’absence de sincérité dans le comportement amoureux. Ce qu’on attribue, aujourd’hui, au romantisme, se dévoile comme une posture adoptée de manière plus ou moins inconsciente par le « sujet amoureux ». L’analyse de Barthes semble avoir une dimension ironique dans la mesure où elle s’appuie sur des clichés culturels et étudie des comportements stéréotypés mais on peut aussi conclure que l’étude sémiologique pratiquée par l’auteur révèle simplement l’absurdité (assumée voire recherchée) de la relation amoureuse.

Ce que démontre le sémiologue, c’est la dimension narcissique de l’amour-passion qui se manifeste par des mesquineries et un chantage émotionnel comme l’illustre l’entrée «Éloge des larmes» : « en pleurant, je veux impressionner quelqu’un , faire pression sur lui. […] Par mes larmes, je raconte une histoire, je produis un mythe de la douleur, et dès lors je m’en accommode : je puis vivre avec elle, parce que, en pleurant , je me donne un interlocuteur emphatique qui recueille le plus « vrai » des messages, celui de mon corps, non celui de la langue ». Par conséquent, le lyrisme paraît être une façon polie de signifier l’égocentrisme du sujet amoureux. La relation amoureuse devient une sorte de spectacle où le « moi » s’adonne à différentes tentatives et postures artificielles pour combler le sentiment de désir qu’il ressent et qu’il recherche chez l’autre. Deux dangers guettent la personne qui désire être aimée : la révélation, tôt ou tard, de la supercherie (sauf si cela est un jeu de conquête réciproque conscient aka le flirt ) ou l’épuisement voire la pathologie si l’on ne réussit pas à sortir de la comédie et à accepter l’intérêt du réel.

Peu d’hommes seraient amoureux s’ils n’avaient jamais entendu parler de l’amour.

La Rochefoucauld cité par D. de Rougemont in L’Amour et l’Occident, 1938

L’idéalisation, cette fuite du réel, va donner naissance aux tragédies romanesques du XIXᵉ siècle. On constate dans ces romans que la vision romanesque donc romantique de l’amour mène à la mort : Emma Bovary n’a pas d’autre issue que le suicide face à l’échec de ses illusions, Anna Karénine, qui réussit pourtant à réaliser son rêve romanesque en vivant avec Vronski, son amant, finit par se suicider également car le retour à la réalité lucide est trop brutal, idem pour Tess d’Urberville qui finit exécutée comme un sacrifice pour combattre les mensonges et les trahisons de l’amour… La réalisation de l’idéal romantique se transforme inéluctablement, pour Flaubert, Tolstoï et Hardy, en force funeste. Finalement l’objet de l’affection n’a pas grande importance car la performance amoureuse tient le devant de la scène, comme si nous étions dans une recherche de la souffrance, dans l’analyse psychologique de celle-ci. Amor-dolor, Eros-Thanatos, toussa toussa…

Si Barthes souhaite nous donner les outils pour mieux saisir l’aspect universel des attitudes romantiques moquées voire méprisées par la société contemporaine, de Rougemont tend plutôt à dénoncer la dégradation d’un mouvement culturel en produit de consommation teinté de cynisme voire de paresse intellectuelle. Chez les deux auteurs, l’amour est souvent présenté comme une espèce de chemin de Damas aux incontournables stations, un exercice de dépassement de soi qui conduit à une satisfaction personnelle quasi mystique. Le lien est alors tissé entre les origines du mythe de l’amour-passion, les aventures des amants celtes Tristan et Iseut et les exaltations romantiques du XIXᵉ siècle qui atteignent leur forme la plus grandiose dans l’opéra de Wagner, Tristan und Isolde . 

« Liebestod » (pour comprendre, il fallait prendre Allemand LV2 et souffrir comme moi) interprété par Jessye Norman, sous la direction d’Herbert Von Karajan

Règle 2 : faire fructifier la solitude et l’indépendance

De nombreuses libertés que nous nous autorisons dans nos moments de solitudes (dans le sens neutre du mot) me semblent impossibles avec des personnes émotionnellement liées à nous voire dépendantes de nous. Notre liberté n’est pas tout à fait restreinte mais, à défaut de trouver des mots plus adéquats, disons qu’elle est régulée autrement. L’amour et la relation amoureuse sont véritablement des prisons que nous choisissons volontairement de rejoindre et dans lesquelles nous pouvons aisément nous effacer. En effet, l’amour-passion peut conduire à s’oublier comme l’explique l’ermite Ogrin à Tristan et Iseut lorsqu’il leur annonce « Amor par force vos demeine » (c’est-à-dire : l’amour vous contrôle/domine par la force), leur indiquant ainsi qu’ils ont perdu le sens de la raison mais aussi d’eux-mêmes. La quête amoureuse, comme celle de 🍑et 🍆, peut conduire à une perte de soi donc de son individualité, si nous ne prenons pas soin de marquer notre indépendance vis-à-vis de la performance amoureuse qu’on appelle « romantisme ». Or, si l’on repense à la lucidité des romans de la deuxième moitié du XIXᵉ siècle, nous savons que le moment de « décristallisation » arrivera tôt ou tard ! Envisager un entre-deux entre notre besoin de liberté et des moments de « cristallisation », participera à un échange plus serein avec l’être que nous avons désiré et qui se trouve, par certains points, différent de notre idéalisation.

Dans son essai sur le discours amoureux, Barthes démontre de de quelle manière, dans la relation amoureuse, nous percevons l’autre comme des fragments liés à ce que nous ressentons et non comme un individu à part entière. Dans un article présentant l’essai, Bénédicte Abraham explique : « Il y a encore quelque chose de fondamentalement fragmentaire dans la réalité amoureuse (dont la forme pathologique serait le fétichisme) : l’être aimé est « découpé », « fragmenté » en symboles qui renvoient à lui (photos, vêtements, objets …). Le discours amoureux ne présente pas de perspective unifiée mais une perspective fragmentée de l’être aimé ; le terme de « fragments » peut aussi renvoyer au fait que « tout le récit étant suspendu au seul personnage narrateur, qui ne voit le monde qu’en perspective, tel que le découpe son angle visuel, la vérité de son dire sera fragmentaire et douteuse » (Rousset) […] aussi Barthes fragmente-t-il l’optique de son livre en foyers multiples et organise une ronde de perspectives autour d’une même situation : celle de l’amoureux qui parle et dit « je ». Il paraît donc nécessaire de pouvoir se définir de manière indépendante et de revendiquer cette définition afin d’éviter le miroir narcissique que peut nous tendre l’Autre par ce qu’il ou elle considère comme sa vérité mais cela permet aussi d’éviter la relation malsaine où on ne se définirait qu’au regard de celui ou celle qui nous aime.

On constate donc que la relation amoureuse, et l’amour plus largement, est d’abord une affaire avec nous-mêmes. Des schémas mentaux que nous construisons (à partir de stéréotypes culturels) aux regard et attentes que nous portons sur l’Autre, tout ne tourne finalement qu’autour de nous en tant que « sujet amoureux ». Il va de soi que si notre relation à nous-mêmes n’est pas saine ou consciente, si le travail effectué sur nous-mêmes n’est pas entamé ne serait-ce que par la réflexion et l’honnêteté, la relation est vouée à l’échec car le miroir qui nous sera tendu par la ou le partenaire amoureux sera toujours déformant et trompeur. Il faut alors prendre le temps de nous isoler et de nous demander si nous sommes capables de voir les déformations nées de la cristallisation et nous interroger sur ce qui construit et participe à notre individualité. Sans une indépendance «identitaire» vis-à-vis de celle ou celui avec qui nous cherchons à construire un amour idéal, la fusion, telle que prônée dans l’amour-passion, semble dangereuse et vouée à l’échec.

Ne pas se voiler la face, lol. Les Amants, Magritte, 1928, MoMA, New-York
Source : http://www.magritte.be

Dans le chapitre « Le mythe contre le mariage », Denis de Rougemont affirme qu’aujourd’hui l’union est basée sur une conception individuelle du bonheur qui s’oppose à celle de la société et de la religion. Nous voulons être maître et maîtresse de notre bonheur et ainsi échapper à l’ennui du quotidien : nous savons que la passion conduit au malheur mais nous cherchons à tromper notre ennui par quelque chose de plus « pittoresque » (cf définition et origine de «romantique»)… La force de cette quête nous conduit à attaquer nous-même notre liberté car on ne cherche pas à se posséder, à se saisir de notre individualité mais à « être possédé, à sortir de soi même, emporté par l’amour » explique le philosophe. D’un point de vue rationnel, il nous paraît étrange de vouloir renoncer à son individualité, d’autant plus à une époque où nous cherchons à la revendiquer voire à l’exhiber pourtant nous serions prêts à nous soumettre totalement pour un modèle qui nous a été imposé par une aristocratie littéraire puis bourgeoise désireuse d’égayer leur quotidien !

Certes le besoin de s’inscrire dans une union est compréhensible mais il devient une dépendance malsaine s’il se fait dans le déni voire l’exploitation émotionnelle de l’autre. Si être lyrique signifie parler de soi voire se lamenter sur soi, cela est surtout une expression méditative qui permet la réflexion individuelle. Hashtag self care, blessed : pour être plus claire, nous devons profiter du privilège social qui nous permet de prendre le temps de nous recentrer sur nous et de jouir des bienfaits de l’épanouissement personnel. L’indépendance vaut aussi pour l’Autre : l’idée de l’envisager fidèle à ce qu’il ou elle est, signifie accepter son humanité et son individualité. Cela signifie aussi lui donner les occasions et le temps de se construire quitte à ce que ce soit loin l’un ou l’une de l’autre. Il est donc nécessaire de se libérer de nos poids mentaux pour savoir sur quel mode nous souhaitons construire une amitié amoureuse, c’est-à-dire un amour où l’on respecte assez l’autre et où l’on prend assez en compte son essence et son existence pour lui laisser un espace pour respirer. Il est donc, de temps en temps, nécessaire de penser, à part, à la manière dont il est possible de construire une union réciproquement viable. Respecter l’autre ne signifie pas se sacrifier à l’autre mais plutôt être le plus honnête possible… parce que les nerfs, comme les ego, peuvent être tendus.

Règle 3 : envisager le couple comme un partenariat vertueux

Le couple est un travail et rien ne va de soi dans les relations interpersonnelles, d’autant plus lorsqu’elles touchent à l’intimité. L’amitié reste un cas à part pour moi car elle ne met pas en jeu les mêmes attentes : nous ressentons une attraction qui nous pousse à choisir nos amis comme nos partenaires mais nous n’investissons pas la même charge émotionnelle sur l’amitié car l’intimité est moins grande. Il faut donc, d’une part, mettre en scène les mêmes codes que nous utilisons pour vivre au mieux avec les autres que pour vivre avec sa ou son partenaire mais les compromis (à ne pas confondre avec les compromissions !) seront plus importants, à la hauteur des enjeux que nous mettrons dans le couple. Si ces enjeux sont minimes, il ne vaut pas la peine que quelqu’un pollue votre espace vital et profite (plus que nécessaire) d’une partie de votre énergie physique mais surtout psychologique.

Elle était reine près de [Marc] et dans ce bois elle vit comme une serve. Qu’ai-je fait de sa jeunesse ? Au lieu de ses chambres tendues de draps de soie, je lui donne cette forêt sauvage ; une hutte, au lieu de ses belles courtines ; et c’est pour moi qu’elle suit cette route mauvaise. Au seigneur Dieu, roi du monde, je crie merci et je le supplie qu’il me donne la force de rendre Iseut au roi Marc. N’est-elle pas sa femme, épousée selon la loi de Rome, devant tous les riches hommes de sa terre ? 
[…]Mais je suis venue, et qu’ai-je fait ? Tristan ne devrait-il pas vivre au palais du roi, avec cent damoiseaux autour de lui, qui seraient de sa mesnie et le serviraient pour être armés chevaliers ? Ne devrait-il pas, chevauchant par les cours et les baronnies, chercher soudées et aventures ? Mais pour moi, il oublie toute chevalerie, exilé de la cour, pourchassé dans ce bois, menant cette vie sauvage !

Le Roman de Tristan et Iseut, Joseph Bédier. Ed. Henri Piazza, 1900

Le risque de l’idéalisation c’est aussi celui de la simplification des caractères. Dans L’Amour et l’Occident, de Rougemont rappelle que Tristan et Iseut, sous l’effet du philtre, ne se voient que comme idéal social : le preux chevalier et la belle princesse. Alors qu’ils vivent loin de tous dans la forêt du Morois, l’effet de la potion commence à s’estomper, et la magnanimité/la naïveté du roi Marc aidant, les deux amants deviennent peu à peu plus réalistes et viennent à la conclusion qu’ils doivent se séparer et quitter la forêt. Que s’est-il passé ? Ils se sont mis à penser à l’autre en tant qu’individu et à l’impact que leur éloignement fusionnel du groupe avait sur leur « développement personnel ». Cette fusion totale nuisait à leur rôle social et à leur bien-être général : pour Tristan, la possibilité de développer ses qualités de chevalier et pour Iseut, celle de jouir de ses prérogatives de reine. En pensant à l’autre avant de penser à son besoin propre et en s’inscrivant dans le réel, les personnages ont compris que le bonheur de la personne aimée était ailleurs, que trompés par le philtre d’amour (donc par la passion), leur quête était individualiste.

Lorsque Barthes amorce l’entrée «Tel » dans Fragments d’un discours amoureux, il révèle, comme Valéry, l’hypocrisie et l’entêtement du sujet amoureux en expliquant que le désir de «prendre l’autre tel qu’il est» est une sagesse à laquelle aspire le sujet amoureux mais face à laquelle il rencontre des difficultés : « tout ce qui, de l’autre, ne me concerne pas, me parait étranger, hostile […] je crains et je réprouve l’être aimé, dès lors qu’il ne «colle» plus à son image.» On sait que l’autre est différent, on reconnait sa différence mais cette singularité ne nous plait pas, voire nous est hostile car nous la percevons comme une attaque contre la construction que nous avons créée. Nos attentes sont plus fortes que cette sagesse, ce qui conduit souvent à une frustration : nous avons l’impression de faire des sacrifices, de souffrir en renonçant à ce qu’on est et en face de nous se trouve un être têtu qui ne veut pas correspondre à l’image fantasmée. La ou le partenaire ne peut pas être « l’autre soi-même mais en mieux » dont nous rêvons ! Pourquoi mettre cette charge sur les enfants d’autrui alors que cela ne fonctionne pas sainement pour celles et ceux qui le tentent sur leurs propres enfants ?

Il n’existe pas d’être capable d’aimer un autre être tel qu’il est. On demande des modifications, car on n’aime jamais qu’un fantôme. Ce qui est réel ne peut être désiré, car il est réel. Je t’adore… mais ce nez, mais cet habit que vous avez…
Peut-être le comble de l’amour partagé consiste dans la fureur de se transformer l’un l’autre, de s’embellir l’un l’autre dans un acte qui devient comparable à un acte artiste, et comme celui-ci, qui excite je ne sais quelle source de l’infini personnel.

Paul Valery, Tel quel ,1941

Ainsi la liberté de l’autre à être elle-même ou lui-même et que nous considérons comme un entêtement, une sorte de défiance à notre égard, devient un nouvel obstacle dans cette création passionnelle. Barthes oppose cette relation à la relation amicale qui peut se satisfaire ou qui peut réaliser cette acceptation car l’ami est « celui qui peut un moment s’éloigner sans que son image s’abime ». Citant les réflexions de Nietzsche dans le Gai Savoir, il écrit, à propos de l’amitié :  « Mais ensuite l’appel irrésistible de notre mission nous poussait à nouveau loin de l’autre, chacun sur des mers, vers des parages, sous des soleils différents – peut-être pour ne plus jamais nous revoir, peut-être aussi pour nous revoir une fois de plus, mais sans plus nous reconnaître : des mers et des soleils différents ont dû nous changer !» Cela peut se retrouver également dans le « case of the ex » car c’est le genre de personnage que nous ne souhaitons (normalement) plus (vraiment) posséder…

Autre question ou autre légende soulevée en matière de relation/d’union : « les opposés s’attirent ». Grand lol ultime. Une parité dans les valeurs est un minimum. De mon point de vue, on ne peut faire confiance à personne donc on ne peut se permettre d’entrer dans une relation déséquilibrée qui laisserait penser à l’autre qu’elle ou il peut exploiter ce que la société dominante considérerait comme des faiblesses. Parce que quand on va commencer à entendre des grands « retourne dans ton cocotier » ou des « je travaille toute la journée, je subviens au besoin de cette famille, c’est comme ça que tu me remercies !? » ou encore des phrases de pervers-narcissique du genre « personne ne pourra t’aimer comme je t’aime », comment dire… Bref, il faut au moins s’accorder quant aux attentes face à la vie sinon on se retrouve dans une forme d’exploitation émotionnelle de l’un ou l’une des partenaires sur l’autre. Souvenez-vous que les Destiny’s Child n’ont pas chanté « try to control me, boy, you get dismissed » pour rien…

Dans le Discours de la Servitude volontaire, La Boétie dit à propos du tyran et de l’amitié : « C’est cela que certainement le tyran n’est jamais aimé ni n’aime. L’amitié, c’est un nom sacré, c’est une chose sainte : elle ne se met jamais qu’entre gens de bien et ne se prend que par mutuelle estime, elle s’entretient non pas tant par bienfaits que par bonne vie. Ce qui rend un ami assuré de l’autre, c’est la connaissance qu’il a de son intégrité : les répondants qu’il en a c’est son bon naturel, la foi et la constance. Il ne peut y avoir d’amitié là où est la cruauté, là où est la déloyauté, là où est l’injustice […] l’amitié, qui a son vrai gibier en l’équalité, qui ne veut jamais clocher, ainsi est toujours égale ». Ces mots peuvent être formulés pour toute forme de hiérarchie et permettent de définir ce qu’est l’amitié mais ils sont valables pour différentes formes de partenariat émotionnel. Il est donc nécessaire de respecter l’autre en tant qu’individu avant qu’elle ou il ne soit notre partenaire ; cela passe par se détacher du désir de posséder, désir dont la jalousie et l’envie sont des corollaires.

Comme l’explique Denis de Rougemont « la fidélité […] c’est l’acceptation décisive d’un être en soi, limité et réel (nous soulignons), que l’on choisit non comme prétexte à s’exalter, ou comme « objet de contemplation », mais comme une existence incomparable et autonome à son côté, une exigence d’amour actif ». Il tente de séparer l’institution du mariage de ce que représente l’amour-passion, pour distinguer l’amour égoïste de celui qui doit s’établir dans une union : « la romance se nourrit d’obstacles, de brèves excitations et de séparations, le mariage, au contraire est fait d’accoutumance, de proximité quotidienne. La romance veut l’amour de loin des troubadours ; le mariage, l’amour du « prochain ». Mais dans sa défense de cette institution, il ajoute que l’émancipation de la femme est un facteur de la crise du mariage ainsi que d’autres facteurs qui augmentent les exigences face à la vie matrimoniale 🙄… Quoiqu’il en soit, nous pouvons appliquer sa remarque sur l’essence du mariage au couple en général et peut-être même à toute relation interpersonnelle intime (salut la famille !) : construire autour du quotidien et de l’acceptation de l’autre.

Pour finir, L’union est une décision qui « relève toujours d’une sorte d’arbitraire, dont [on] s’engage à assumer les suites, heureuses ou non » déclare de Rougemont. Les tentatives d’échapper à cet engagement vont du sentimentalisme romantique tragique au cynisme le plus matérialiste. « Être amoureux n’est pas nécessairement aimer ». Être amoureux est un état ; aimer un acte. On subit un état, mais on décide un acte» ajoute-t-il. Le couple ou l’union ou le mariage sont donc constitués d’actes conscients qu’il nous faut assumer au quotidien et cela peut être épuisant comme pour tout engagement qu’on prend mais ce n’est pas une raison de vivre comme le Pozdnychev et sa femme, les personnages de La Sonate à Kreutzer de Tolstoï, «[…] deux forçats liés à la même chaîne qui se haïssaient et s’empoisonnaient mutuellement l’existence tout en s’efforçant de ne rien voir». L’attention portée à l’autre est donc autant utile que le soin que nous portons à notre bien-être.

Règle 4 : s’autoriser une faiblesse romantique

La quête d’absolu est une aspiration humaine, qui permet à la fois de nous individualiser et de nous inscrire dans un tradition culturelle, dans la civilisation, à l’aide de l’imaginaire. Il est donc vain de mépriser cette quête en privilégiant un matérialisme cynique qui assimile toute démonstration de sentiments à de l’affectation. Cette quête est aussi celle de l’union que cherche le poète entre le réel et l’imaginaire comme l’indique le songe d’Henri d’Ofterdingen, héros du roman éponyme de Novalis, évoqué par Denis de Rougemont. C’est de ce rêve que provient l’expression «fleur bleue » qui aujourd’hui est synonyme de mièvrerie niaise mais qui au début du XIXᵉ siècle, pour l’auteur romantique allemand, était un symbole d’harmonie et de communion universelle. L’imaginaire est donc une voie dans l’union avec le monde et son prochain. En 1804, dans le roman éponyme (on pourrait aussi, un jour, discuter de la vogue des romans éponymes au XIXᵉ siècle en lien avec la quête introspective des personnages👩🏽‍🏫) de Senancour, Oberman, le héros ne réussit à trouver refuge que dans les rêveries provoquées par la contemplation de la nature (coucou Rousseau !) puis enfin dans l’écriture. Le sentimentalisme, à travers le repli sur soi, devient un moyen d’interroger le monde et les caractères.

Ainsi, la littérature joue un rôle essentiel dans la construction et la transmission des idées romantiques mais, comme le rappelle de Rougemont, le matérialisme bourgeois a contribué à la dégradation de ce romantisme spirituel pour donner naissance à une notion souvent moquée aujourd’hui. Au Moyen Âge, la littérature des troubadours et les romans de la Table ronde sont un outil de libération, de compensation face au cadre strict imposé par l’Église, notamment en ce qui concerne le mariage. Denis de Rougemont rappelle que le Pape Grégoire avait rigidifié les lois du mariage : il était d’ordre sexuel pour procréer et d’ordre social par la réunion de terres ou des dots. Il n’y avait donc aucune notion de plaisir et de sentiments dans l’union chrétienne. En réaction à cette sévérité, les troubadours vont introduire l’érotisme dans la société féodale. Ainsi, ils cherchent à dépasser les liens sociaux et sexuels en s’opposant au mariage chrétien dans un contexte global « d’hérésie en Europe ». Dans l’entretien radiophonique évoqué plus haut, De Rougemont prend l’exemple des Cathares, groupe hérétique qui apparaît en Europe au XIIᵉ siècle, et qui prônent un amour pur c’est-à-dire passionnel, en dehors du mariage, dépassant les obstacles sociaux et demeurant stérile (sans procréation comme l’exige l’orthodoxie).

Défendons le romantisme et l’héritage médiéval européen… Soutenons le planning familial 😉
source : https://www.planning-familial.org

Le mythe de Tristan sur lequel s’appuie le philosophe dans L’Amour et l’Occident est le signe, d’après lui, d’une déficience dans la conception sociale, chrétienne et féodale du mariage à cette époque. La « vérité spirituelle » du mythe ajoute une valeur civilisationnelle à une culture matérialiste déclare-t-il. On peut également envisager les Fragments d’un discours amoureux comme une tentative de remettre au premier plan l’aspect civilisationnel de l’amour à travers l’étude linguistique et idéologique du « sujet amoureux » dixit Barthes. Il conçoit l’ouvrage comme un outil permettant à celui-là de mieux comprendre son état et de mieux s’analyser car finalement le sentiment amoureux est d’abord une démarche réflexive d’autant plus dans une époque où, il lui semble, la sentimentalité est devenue plus taboue que la sexualité. c’est ce qu’il explique dans « L’obscène de l’amour ». Le caractère sentimental de l’amour devient un élément obscène suite à « un renversement des valeurs» qui s’est réalisé lui aussi par la culture littéraire et l’art comme le prouve Barthes en citant La Montagne magique de Thomas Mann dans lequel le personnage est répugné par les deux syllabes du mot «amour» puis l’Oeil pinéal de Georges Bataille pour qui l’amour est abandon victimaire et «puant» 😬. Ce « mépris dont on accable tout pathos » est intergénérationnel d’après Barthes : pour le XIXᵉ siècle, au nom de la raison, et pour le XXᵉ siècle, au nom de la «modernité» c’est-à-dire d’une incontournable généralisation.

D’autre part, si on constate, comme Barthes, que le sentimentalisme et le romantisme sont devenus plus tabous que la sexualité, on peut arguer que cette prétendue libéralisation des mœurs est elle-même une construction culturelle. En effet, Denis de Rougemont explique que le détournement grivois que prendra le genre de l’amour courtois est aussi une « stylisation ». Il cite Le Déclin du moyen âge, ouvrage del’historien néerlandais Johan Huinzinga   : « la pensée érotique, pour acquérir une valeur de culture, doit être stylisée […] la licence fantaisiste, le dédain de toutes les complications naturelles et sociales de l’amour, l’indulgence pour les mensonges et le égoïsmes de la vie sexuelle, la vision d’une jouissance infinie, tout cela ne fait que donner satisfaction au besoin humain de substituer à la réalité le rêve d’une vie plus heureuse. C’est encore une aspiration à la vie sublime, tout comme l’autre, mais cette fois du côté animal. C’est un idéal quand même : celui de la luxure. » Dans les deux cas, nous sommes en quelque sorte les victimes d’une manipulation due à nos lectures et à notre quête du plaisir sublimé.

Barthes montre que le discours amoureux a une forme stéréotypée, qu’il se compose de codes artificiels exprimés par le langage. Le marivaudage est l’un des exemples qui nous permet d’étudier avec précision le langage amoureux. S’il est perçu par ses contemporains de manière négative car proche du badinage, de sujets considérés féminins ou par manque de sincérité, le discours mis en scène par Marivaux va, plus tard, gagner en valeur. On constate qu’il permet d’analyser l’amour et ses débuts (expression mise à la mode par le dramaturge) en s’appuyant sur les ressources du langage et de la conversation, en jouant du déplacement de sens et des quiproquos. Le langage verbal et corporel est mis en scène chez Marivaux comme dans les différentes étapes et extraits analysés par Barthes. Ainsi, à travers l’étude de la littérature et du discours, nous avons la possibilité de cerner l’être humain amoureux malgré les clichés culturels inscrits dans l’inconscient collectif .

Au fond, ce n’est pas l’aspect tragi-comique voire absurde de l’expression amoureuse qui dérange mais plutôt sa manifestation publique. Ce mépris vient du fait qu’être amoureux, c’est aussi être bête donc c’est « assumer (ne pas refouler) l’extrême bêtise, la bêtise nue de son discours, c’est la même chose que pour le sujet bataillien se dénuder dans un lieu public : c’est la forme nécessaire de l’impossible et du souverain : un abjection telle qu’aucun discours de la transgression ne peut la récupérer et qu’elle s’expose sans protection au moralisme de l’anti-morale ». La sentimentalité est donc jugée « au nom d’une nouvelle moralité » critique Barthes. C’est sans doute pourquoi l’expression (trop) publique des émotions me gêne car je suis le fruit de cette génération qui censure / a censuré au nom de l’anti-morale. Mais l’obscénité de l’amour vient aussi de notre propension à mettre en avant ou à exagérer des faits minimes, par exemple transformer en incident diplomatique un appel ou un message non reçu ou qui vient trop tard… Mesurées à une échelle globale, ces réactions paraissent inconvenantes, elles sont par conséquent jugés sévèrement par la société.

Cependant, nous avons le droit d’être des humains contradictoires… Personnellement, je suis capable de décrier le romantisme dans l’acception contemporaine du mot (lié à l’amour-passion, mais en son sens le plus vulgaire d’après de Rougemont) et écouter le Best of de Sade et Lemonade comme si mon amour était « parti avec le loup dans les grottes de Rock-amadour » (s/o to Gérard Blanchard) et que par conséquent j’allais brûler sa maison et maudire son ascendance et sa descendance dans le même souffle. Mais tout cela ne sera qu’une rancune nourrie jusqu’à épuisement dans un coin de ma mémoire… Parce que j’estime qu’il n’y a rien de mieux que l’orgueil pour survivre parmi les loups et les chiens de la casse.

«T’es fâchée, t’es triste, tu veux manger quelque chose ?»
«Non, ça va.»
source : https://www.lafabriquecrepue.com/2016/06/18/gars-sest-sauve-de-chez-amie-apres-ejacule-andree-anne-isabelle/

Pour conclure, j’estime que l’amour se manifeste dans un abandon de l’orgueil (face à l’objet de son affection) plus que de l’ego, c’est-à dire dans le renoncement à la crise aigüe de l’ego et non pas à ce que nous sommes. Si Rosselini dans le Voyage en Italie ne réussit pas à vous faire comprendre que l’union amoureuse vaut la peine de vivre des tracasseries, si même les Carters ou Sade ne vous ont pas enseigné que la relation d’amour peut être un combat contre l’autre mais d’abord une lutte contre soi-même… Vraiment, je ne sais pas, soyez juste raisonnables ! Le poète a dit « de la mesure en toute chose » : les sentiments exaltés sont dangereux et toxiques et le partenariat de confort, une perte de temps émotionnel. La bêtise de l’amoureux c’est l’entêtement, la répétition des erreurs, le premier degré prévient Barthes pendant que Denis de Rougemont défend le mythe de l’amour-passion dans sa dimension sacrée, lorsqu’elle est une initiation mystique vers la sagesse et la connaissance de soi et des autres. Nous avons donc assez de littérature pour ne pas (ne plus) tomber dans le piège de la niaiserie.

Règle 5 : exiger des preuves (matérielles) d’amour 🤷🏽‍♀️

À défaut d’être aussi beau et patient que le couple Randall et Beth Pearson, se faire offrir et lire Le Bonheur conjugal de Tolstoï.

S’offrir la bague oui de Dior, imaginée par Victoire de Castellane en 2005, pour se remémorer qu’on assume ses décisions et les actes qui en découlent… Ou à se faire offrir pour toutes les fois où on feint d’écouter l’autre en mode « oui, oui » (donc il en faudrait deux, par exemple celle en or jaune et celle en or rose 😅). Surtout pas en bague de fiançailles parce qu’à nos grands âges…

Parce que j’ai des goûts de luxe malgré mon budget de fonctionnaire de catégorie A sous-payée : le bracelet Trinity de Cartier (petit modèle pour être un peu raffinée). Un bijou emblématique et intemporel pour prétendre que son union = « toi+moi+l’infini » mais en fait, c’est simplement parce qu’on aime les bijoux en or.

Un plat de nouilles car dans toute oeuvre cinématographique romantique : « les nouilles ont un sens, au moins autant que la pluie » dixit Laetitia. Mais aussi parce que je suis plus agréable quand je mange et que les nouilles, c’est la vie.

Pour la paix des ménages : la contraception masculine.

Bonus : 5h de musique pour celles et ceux qui ne sont pas romantiques mais un peu quand même…

On était parti pour 55 minutes mais les personnes qui ont des difficultés à faire des choix dans la vie me comprendront… (surtout avec les sons congolais qui durent environ 10 minutes)

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